Les Romains
considéraient la terre, Tellus, comme la mère
universelle de tous les êtres, c'est pourquoi ils l'appelaient
"magna mater", "grande mère",
ou "Alma Mater", mère nourricière.
Ils l'appelaient aussi la "Bonne déesse"
et la "mère des dieux".
Ce relief de marbre,
conservé au Louvre, est une allégorie ; il représente,
sous la figure de cette femme sereine et imposante, une synthèse
de plusieurs déesses fécondes et nourricières
: Cérès (elle tient, posée sur ses genoux,
une gerbe de blé, des fleurs et des fruits), Vénus
génitrix (elle tient deux nourrissons dans ses bras),
Pax, la paix nécessaire à la prospérité
et Ops, l'abondance.
Tellus, qu'on invoque
dans les tremblements de terre, incarne la solidité, la
fixité de l'univers. Aussi appelée "Cybèle",
elle est originellement associée au roc, à la montagne,
c'est pourquoi le sculpteur l'a représentée assise
sur des blocs de pierres sèches ; d'autres roches, à
sa gauche, participent de la même idée : "Cybèle
était une personnification de la Terre, écrivait
Maury, non pas spécialement de la terre cultivée
et productrice, mais plutôt du sol dans son état
rocailleux et abrupt primitif : voilà pourquoi les pierres,
les montagnes couvertes de forêts lui étaient consacrées
et passaient même pour ses images."
A la gauche de la
grande déesse (à droite de l'image, donc), l'Océan,
sous la figure de Neptune, qu'on donne pour le fils de Cybèle-Tellus,
incarne l'eau. Il émerge à mi-corps des flots et
semble ne faire qu'un avec un monstre marin de type reptilien.
A sa droite, une
autre figure féminine, très mutilée, n'est
pas immédiatement identifiable ; on peut néanmoins
deviner, en comparant ce relief à l'autel de l'Ara Pacis,
dont il partage la plupart des motifs, qu'elle tient son voile,
gonflé par le vent, à la main : elle incarne probablement
l'air.
Les éléments,
l'eau, l'air et la terre, se conjuguent ainsi pour créer
tous les êtres. Le feu, absent de notre relief, ne l'était
sans doute pas de la composition.
Aux pieds de cette
nymphe incarnant les souffles fertiles, la grenouille, animal
amphibien, et le héron, que son vol associe au milieu
aérien mais qui lui aussi se tient auprès des mares
et des étangs, reprennent le même thème en
abyme. Ils se distinguent de la créature monstrueuse au
corps de serpent qui émerge de l'Océan avec Neptune,
ils appartiennent résolument à la nature domestiquée
dont se nourrissent les hommes.
Le syncrétisme
romain est ici patent ; notre divinité n'est pas coiffée
de tours comme Cybèle et elle ne trône pas sur des
lions. Elle ne tient ni cymbales ni tympanon. Rien n'évoque,
en elle, les aspects orgiaques de son culte. Elle est entourée
d'animaux paisibles, la vache et le mouton, dans un paysage bucolique.
En cela, elle se confond avec Ops, la grande déesse italique
des âges primitifs, dont le nom même signifiait "la
terre" et plus encore "les richesses de la terre"
en osque ancien. On avait d'ailleurs coutume de prier Ops en
touchant la terre et le vieux sens étymologique de richesse
a été conservé dans le pluriel "opes",
qui veut dire "les ressources".
Ops était
adorée comme déesse des semences et de la moisson
sous le nom de "Consiva" . Le 25 août,
au moment de la moisson donc, on lui offrait un sacrifice d'actions
de grâces, "opeconsiva", dans la Regia,
où seuls les vestales et les pontifes pouvaient entrer.
Le troisième
jour des saturnales lui était aussi consacré, parce
qu'elle est associée à Saturne, dieu des semailles.
Cette fête portait le nom d'"opaties".
Identifiée à Tellus, Ops recevait encore en sacrifice,
le 15 avril, une génisse pleine ou une vache près
de mettre bas ; le veau, arraché aux entrailles de sa
mère par les prêtres, était brûlé
des mains mêmes de la grande vestale. Cette fête,
appelée "hordicidia", avait été
instituée, disait-on, par Numa ou Faunus, pour conjurer
de mauvaises moissons ou des maladies décimant les troupeaux.
Six jours après l'"hordicidia", on célébrait
les "palities", où l'on purifiait
l'assemblée avec les cendres de l'animal.
Horace nous apprend,
dans ses Epîtres, qu'on immolait une truie ou un
cochon à Tellus-mère ; c'est que Tellus est le
tombeau commun de toutes les créatures vivantes ; or,
le culte des morts va de pair avec les rites agraires : "
Les fêtes de la moisson commencent par certains sacrifices
expiatoires, surtout la porca prcidanea, écrit
Preller. Chaque ferme, avant la récolte, immole une
truie en l'honneur des morts et pour expier les négligences
qu'on a pu commettre en les ensevelissant ; car ici, comme partout,
le culte des dieux champêtres confine au culte des dieux
infernaux. Bien plus, toutes les fois qu'on enterrait un mort,
on offrait aussi à Cérés la même victime
pour purifier toute la maison : c'était la porca praesentanea.
Quant au sacrifice de la porca praecidanea, Caton nous
en enseigne tout au long les règles dans son De Re
rustica."
Bien que rares,
les images de la vie paysanne ne sont pas absentes du musée
du Louvre. Elles nous donnent de précieux renseignements
sur la vie quotidienne Romains. |
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