Tandis qu'il brûle l'encens sur les flammes naissantes en adressant aux dieux ses prières, tandis que, une patère à la main, il répand le vin sur les autels de marbre, le poison s'échauffe, son action malfaisante, dégagée par la flamme, passe dans les membres d'Hercule, qu'elle envahit de tous côtés. Aussi longtemps qu'il le put, le héros contint ses gémissements avec son courage accoutumé; quand la douleur eut triomphé de sa patience,
il repoussa les autels et remplit de ses cris les forêts de l'Oeta. Soudain il s'efforce de déchirer la tunique fatale ; mais là où il l'arrache, elle arrache sa peau, chose horrible à dire ; ou bien, malgré ses efforts pour la retirer, elle reste adhérente à ses membres, ou bien elle met à nu ses muscles en lambeaux et ses os gigantesques. Son sang frémit, commme fait une lance blanchie au feu que l'on plonge dans un bassin d'eau glacée, et la brûlure du
poison le dessèche. Ce n'est point encore assez; une flamme avide dévore ses entrailles ; une sueur noire coule de tout son corps; ses muscles consumés pétillent, le mal caché fond la moëlle de ses os ; alors, levant ses mains vers les astres, il s'écrie : "Repais-toi de mes malheurs, fille de Saturne ; oui, repais-toi ; du haut des cieux, cruelle déesse, contemple mon supplice et rassasie ton coeur barbare ! Ou bien, si j'ai de quoi faire pitié même à un
ennemi, c'est-à-dire à toi, enlève-moi une vie en proie à d'horribles tortures, une vie qui m'est odieuse et que je n'ai reçue que pour souffrir. La mort sera pour moi un bienfait ; c'est un présent digne d'une marâtre.
 

 La mort d'Hercule sur le bûcher