Du labyrinthe antique au jeu de l'oie

            Pourquoi proposer un jeu de l'oie pour illustrer la lecture de Titus Flaminius, la fontaine aux vestales, le beau livre de Jean-François Nahmias aux éditions du Livre de Poche Jeunesse ?

C'est que ce jeu, par sa forme en spirale, n'est pas sans rappeler le labyrinthe crétois, construit par Dédale, où était enfermé le Minotaure. L'un des fils conducteurs du roman semble bien être, en effet, le labyrinthe. En témoignent certains chapitres : «Le début du labyrinthe » et «La fin du labyrinthe» ainsi que le titre de la pièce montée par Flaminia au moment de sa disparition : Dédale.
Quant à notre personnage principal, il a quelque parenté avec Thésée, vainqueur du Minotaure et descendu aux Enfers pour aider son ami Pirithoüs à enlever Proserpine. Flaminius a lui aussi franchi la limite qui sépare le monde des morts de celui des vivants en se rendant dans la chambre souterraine. Dans le dialogue (rêvé) qu'il engage avec la défunte Minucia, la voix sépulcrale le compare aux héros mythiques partis aux Enfers pour trouver l'objet de leur quête, Orphée, Jason, Thésée…

Certains pensent d'ailleurs que le fameux disque de Phaestos, couvert d'idéogrammes jamais déchiffrés, symbolise le parcours initiatique de Thésée et que ses deux faces, de 31 cases chacune, représentent le labyrinthe conduisant du monde des vivants à celui des morts et revenant du monde des morts à celui des vivants.

Le jeu de l'oie moderne, avec ses 63 cases se déroulant en une double spirale, déploierait sur un seul plan les deux sens du parcours que séparait le disque de Phaestos. La case supplémentaire ne serait alors que le dédoublement de la case centrale du disque. On pourrait en effet imaginer que l'initié (ou le joueur ?) antique, après avoir parcouru la spirale de l'extérieur vers le centre sur une face, passait en quelque sorte de l'autre côté du miroir et faisait, sur l'autre face, le parcours en sens inverse. On remarque en tout cas que la case 31 du disque de Phaestos, c'est-à-dire sa case centrale, porte apparemment deux signes lisibles : une pierre et de l'eau. Est-ce par ce «puits » plongeant dans les profondeurs de l'abîme que se rejoignaient les deux mondes ? On peut penser, bien sûr, que le puits de la case 31, dans le jeu que nous a légué le XVII° siècle, est une simple coïncidence et que le nom de la case 42, dite «le labyrinthe ", n'a strictement rien à voir avec le mythe (ou le jeu ?) initiatique. On sait pourtant que les jeux d'enfants s'enracinent souvent dans la tradition antique et les hellénistes ont bien montré que le jeu de marelle des cours de récréation, où l'on va de la terre au ciel et du ciel à la terre en poussant un palet à cloche-pied, renvoie au mythe antique du monosandale. Faudrait-il donc prendre au sérieux le titre de ce «Noble jeu de l'oie renouvelé des Grecs » ? C'est le pari que nous avons fait pour créer ce jeu où les lecteurs de Titus Flaminius pourront mettre à l'épreuve leur mémoire en empruntant le labyrinthe de l'intrigue ou celui de la civilisation.

Vers le jeu de l’oie sur l’intrigue

Vers le jeu de l’oie sur la civilisation